le jeune frère
ce sentiment permanent de n'exister que parce que mon frère est mort jeune à 11 ans
mes parents dans une détresse totale face à une injustice violente
une conception dans un lit perclus de douleurs ;peut-être par mon père , peut être par un "autre " père , médecin de famille qui a convaincu ma mère de concevoir un autre enfant pour ne pas sombrer dans la folie
une vie d'enfant dans les pas d'un autre , toujours visibles dans la maison ,dans la douleur des parents, les photos..
le sentiment de n'être jamais à la hauteur, de voler une vie , d'avoir tué ce frère par anticipation bien avant que je naisse
responsable ,tout le temps, jusqu'à perdre pied dans des névroses prévisibles
l'autre frère
né handicapé , différent de ce qu'aurait pu être un frère "normal», accueillant, aidant à approcher la vie
autre motivation cachée de procréer un autre enfant
autre cause de ma venue
toujours vouloir réparer ,la mort , le handicap ,être normal
naitre avec une charge qu'on assume sans comprendre
exister mais comme une image furtive , sans place véritable
les parents
un père élevé dans une famille ou tout se tait ,respectueux de la hiérarchie patriarchale , dans des secrets à jamais enterrés
désigné pour être le fils d’une famille en possédant déjà un ,caché, enfoui ,désigné comme scélérat
il était la pour sauver son monde ,la pour montrer ce que devait être un homme
brisé par la guerre ,des enfants perdus , il n'existera que dans les excès, presque en filagramme de sa femme ,ayant fait sa part ,n'attendant plus loin ,distant de l'enfant que j'étais car non né fille ,ce qui aurait pu le ranimer
toujours parti, toujours absent ,toujours désertant le toit pour des aventures d'homme dont j'étais exclu
être présent mais si loin ..de ma vie ,de mes attentes ,de mes envies
une mère de devoir ayant connu la douleur continuellement comme une évidente punition divine
femme de devoir ,mais aussi femme de lutte , forçant le respect à défaut d'amour , très croyante malgré les coups reçus
j'étais un dieu dans ses bras , intouchable , destiné à devenir roi du monde , une évidence
elle me protégeait tout en me coupant du monde réel
je buvais ses paroles ,les faisais mienne
très loin de mon père toujours absent ,elle n'avait aucun geste déplacé, aucune démonstration d'un besoin d'amour autre que le mien
j'étais entre les deux jusque dans le lit conjugal dans lequel elle accueillait mes frayeurs nocturnes , mes fièvres ,mes maux et mes pleurs
elle était LA femme et l'expression d'un pouvoir surnaturel
je l'admirais tout en ressentant un aspect "anormal" de nos relations
j'étais SA chose ,une chose à surprotéger pour vaincre la malédiction
les femmes
toujours présentes ,toujours envisagées
trop craintes ,respectées pour être aimées...normalement
un aboutissement naturel vers la perfection
je faisais fuir celles qui s'intéressaient à moi
inenvisageable
trop parfaite pour être touché par un masculin porcique
trouvées de temps en temps ,comme un écho soumis à un désir forcément sale puisque masculin
"l'amour c'est donner ce que l'on a pas à quelqu'un qui n'en veut pas"
les névroses
elles m’ont accompagné toute ma vie
reflets d'une enfance, d’une éducation, elles m'ont permis ,tout en véhiculant un message pervers, de m'adapter au monde , de le supporter
elles frappent à ma porte encore maintenant
y succomber ou pas n'a plus d'importance
elles font partie de moi
la thérapie m'a aidé à faire mien ce que je considérais comme sale
elles m'ont éloigné de la vie rêvée ..une femme que j'aurais aimé des enfants rieurs
me retrouvant seul soumis aux aléas de la maladie ,je ne les considère plus..
plus de honte mais pas de joie non plus
la thérapie
le plus beau voyage de ma vie
le cabinet ,le divan étaient un nouveau chez moi , la matrice de ma renaissance
le seul endroit propre sur terre
pas besoin de simuler , de dissimuler ,de faire semblant (quoique)
elle fut longue ,périlleuse parfois
j'y ai appris
n'en suis pas sorti guéri , plutôt soulagé d'un fardeau mais anesthésié aussi
j'ai donné ma lettre de départ de peur d'y revenir
pas besoin d'y revenir mais l'envie me presse ,véhicule presque un désir
elle
cette femme , je l’ai qualifiée comme étant une des femmes de ma vie
tellement unique , tellement belle et solide
l’être attendu par une vie sans saveur
le fameux transfert sans lequel aucune thérapie ne réussit
j’ai dans la tête ses cheveux défaits la rendant presqu’ordinaire
je l’ai aimé sans fioritures mais aussi apprêtée chaque fois ne laissant rien au hasard
elle était ma survie
je lui ai dit non , elle a accepté que je parte loin d’elle de ses « finalement »
comme si tout cela pouvait avoir une fin
heureuse ou triste
je continuerais de lui offrir un livre à noël tant que je vivrais
elle aura quelque chose de moi chez elle
certains analysants détestent presque cet état d’amour sans amour
moi je l’ai aimé ,intensément ..